Sur le seuil de sa cabane
Vivait un poème maudit
Maudit parce qu’il était mal dit
Quand les enfants le récitaient
L’un faisait la yoyo musique
De monter et de descendre
Sans trop savoir où aller
(du genre c’est comme ça qu’on fait)
Le poème en est malade.
Un autre estropiait les vers
(ce qui fait très mal aux pieds)
Un autre butait sur les mots
Qu’il prononçait vraiment mal
Cela fait souffrir les mots
Mais personne ne le sait
D’autres encore écorchaient
Certains mots (quelle barbarie !)
Les mots écorchés saignaient
Et l’encre devenait rouge
Dans la marge du cahier
Un autre ne faisait pas la liaison
Et les mots tout perdus erraient
Dans des phrases abandonnées.
Ce qui fit que chaque fois
Que sur le seuil de sa cabane
Le poème maudit voyait
Venir un enfant l’avaler
pour l’ensuite réciter
Il prenait ses iambes à son cou
Et allait se cacher dans un livre
Où personne n’irait le chercher
Un livre de poésie moderne
où les mots ne s’écrivent plus
Dans l’ordre des poèmes anciens
Ils se baladent un peu partout
E
n petits groupes ou tout seuls
Pour les réciter tu peux repasser
Cela ne vient plus à l’idée de personne.
Alors les nouveaux poèmes
Ne seront plus récités ? s’écrie le poète en larmes
C’est mieux que d’être assassinés
Lui répondit le spécialiste
Non vraiment c’est trop dommage
J’aimais bien être porté
Par les lèvres des enfants
Et tant pis si je souffrais
Au moins pour eux j’existais
N
on ! Pitié ! Laissez-moi revenir
dans le cœur des enfants par cœur
Et c’est ainsi que le poème
glissa tout doucement
dans l’oreille d’un enfant :
Après que tu m’aies lu
si je t’ai plu
ne me jette pas,
apprends-moi par cœur
et puis efface-moi !

|